j’adore la perfidie de ton crâne de piaf. (es)

he lives in you

Il finira par atteindre ses objectifs. Elias le sait, il en est sûr. Sa confiance en lui est inébranlable, et toutes les conditions sont réunies pour que le monde soit à ses pieds. Aujourd'hui conseiller du gouverneur, demain gouverneur de Caroline du Nord, et dans deux jours président des Etats-Unis. Qui pourrait résister à ces yeux bleus, la beauté de ses mots qui franchissent la barrière de ses lèvres, sa manipulation à toute épreuve ? Qui pourrait ne pas croire en ces belles promesses d'avenir ? Ce ne sont pas les femmes qui diraient l'inverse. Pauvres créatures prises dans l'engrenage de sa réussite, qui lui vouent une admiration sans faille. Elias aime les femmes, aime qu'on l'aime, aime les belles choses. Sa vie a commencé en bas de l'échelle. On ne mangeait pas à tous les repas. En tout cas, papa et maman ne mangeaient pas à tous les repas. Alors il a promis d'aller le plus loin possible, pour eux, pour lui. A coup de belles paroles et d'étreintes passionnées, il s'est lentement mais sûrement approché de la scène politique. Monstrueusement intelligent et déterminé, il y a trouvé sa place, jusqu'à devenir celui qui dirige. Pas gouverneur, mais conseiller. Le gouverneur fait ce qu'il dit, dirige selon son bon vouloir à lui. Elias en fait sa marionnette, son jouet. Sa vie ne consiste qu'à se jouer des autres, tout le temps. Et au sommet de sa réussite, Elias Shalem se sent bien seul.

Ses yeux bleus caressent les courbes de ce visage rond, cette peau hâlée qu'il chérit autant qu'il désire. Le regard sombre de Soukaina Benhason le fait vibrer, le rend fou. Pourquoi faut-il qu'elle se refuse à lui ? Il ne comprend pas. C'est bien la seule à ne pas vouloir de lui. Que peut-elle bien trouver de plus à Daniel Dickers, dont les cheveux rappellent un mouton hirsute ? Il n'a pas la classe et l'élégance d'Elias.  « Vous êtes ravissante. Cette robe vous va à merveille. » ronronne-t-il à l'adresse de la fille du gouverneur, à qui il tend un verre d'un excellent vin français. Elle ne l'aime pas beaucoup, ça se voit dans son regard. Elle fronce les sourcils, paraît un peu troublée, le remercie à peine. Elias ne compte pas abandonner pour autant : un jour, elle sera sienne. Son sourire s'élargit, au moment où ses doigts effleurent les siens. Soukaina retire sa main un peu vivement, avant de s'écarter d'un pas. Au moins, il ne la laisse pas indifférente. Sa haine à son égard peut devenir de l'amour, et Elias compte bien faire en sorte que ça arrive. C'est ce moment que choisissent le gouverneur Benhason et son épouse pour rentrer dans le grand salon de leur sublime demeure. Elias leur sert à leur tour ce succulent alcool dont il raffole, et ils trinquent à la réussite de monsieur. Son sourire ravi cache tant d'hypocrisie que c'en est risible. Un jour, il sera à sa place. C'est à son nom qu'on trinquera, sa réussite qu'on fêtera. S'ils savaient, tous les trois, ce qu'ils pensent d'eux. S'ils savaient qu'il n'aspire qu'à profiter d'eux, et surtout de leur charmante fille !

 « M'sieur Shalem, j'ai vos informations ! » s'exclame Finn, celui qui lui sert de bras droit et d'espion, et également de chauffeur privé et, il faut bien l'avouer, d'esclave personnel. Elias lui balance une claque derrière la tête qui lui fait pousser une exclamation de surprise.  « La ferme, quand je dis que c'est confidentiel, ce n'est pas pour que tout le monde soit au courant ! » Le jeune homme se renfrogne en tendant le dossier à Elias, qui le foudroie du regard. C'est bien la seule personne au monde qui, malgré son exigence hors du commun et sa sévérité à son égard, le suivrait n'importe où. Ce garçon l'impressionne. Dévoué, volontaire, déterminé, efficace, tout ce qu'il apprécie. Son exubérance l'amuse. Il aurait pu être un ami, s'il n'avait pas été son employé. Mais grâce à Finn qui lui traîne dans les pieds et n'arrête jamais de parler, Elias se sent un peu moins seul au sommet.